SAUVONS LES ARTISTES par Erick Bourriot
Erick Bourriot est Gérant de la Galerie Bar l“Art au Bar” mais aussi Artiste peintre.
Fin connaisseur et défenseur du monde de la culture, en ce jour de mobilisation des professionnels de la culture, il nous livre ici sa première chronique en forme de coup de gueule, de coup de cœur!
Face aux fermetures des cinémas, des théâtres, suite aux annulations de salons des artistes, et à la fermeture des galeries d’art, "Combien d'artistes ne survivront pas ? Combien d'acteurs de l'écosystème culturel ne s'en relèveront définitivement pas ? Combien de jeunes vont abandonner leur rêve ? ", se demande sur Twitter le violoncelliste Gautier Capuçon, résumant un sentiment d’injustice répandu dans le monde de la Culture.
En les appelant les “ Non essentiels” , en prolongeant les fermetures pour les théâtres et les cinémas -malgré des protocoles sanitaires souvent très strictes- le gouvernement a attisé la colère et l’incompréhension de nombreux artistes et syndicats des professions du spectacle.
Pour autant, dénoncer, râler, s’opposer ne suffit plus quand il s’agit de vivre. Comment s’en sortir en temps de crise culturelle ? Est ce que tous les artistes sont logés à la même enseigne ?
Artistes en colère
Au lendemain de l’annonce du 1er ministre Jean Castex de repousser la date d’ouverture des lieux de spectacle, de nombreuses voix se sont élevées. Charles Berling et des syndicats d’artistes et auteurs saisissent le Conseil d’État , Nicolas Dubourg, président du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) déplore: « Aucune concertation n’a été menée avec nous : on ne comprend pas cette décision ».
Le comédien Christophe Alévêque enrage encore plus fort : “Nous, ce dont on a envie, c'est de jouer. On ne demande pas l'aumône. En donnant de l'argent aux gens, le but ultime, c'est quand même de nous faire taire.”
"J'ai vu des comédiens en pleurs", a déclaré Jean-Michel Ribes, directeur du théâtre du Rond-point, à l'antenne de France Info.
Idem pour Patrick Bruel, Arianne Ascaride, ou Agnès Jaoui pour qui la Culture vit des moments tragiques.
Du côté des artistes plasticiens
Pour les peintres, sculpteurs, photographes la situation est encore plus difficile. Peu représentés en syndicat, moins connus du grand public, souvent isolés, n’ayant pas toujours de statut professionnel et peu ou pas de chiffre d'affaires en 2019, ils n’ont souvent le droit à aucune aide de l’État.
L’artiste Pascale Kutner explique dans un cri du cœur :
Ne sont concernés que ceux qui ont fait du chiffre en 2019 (pour exemple ceux qui n’ont rien vendu en 2019 n’ont droit à rien ! et ceux qui ont vendu un tout petit peu ont droit à un tout petit peu), idem pour les exonérations de charges (URSSAF), seuls ceux dont le chiffre d’affaire est au moins supérieur ou égal à 3000€ pour 2019 ont droit à des exonérations.
Les plus précaires, eux, doivent payer plein pot, même si c’est peu, quand on n'a rien, c’est toujours trop !
Certaines aides extérieures existent, mais pareil, les conditions à remplir pour les obtenir sont telles que peu peuvent en bénéficier.
Malgré les ventes en ligne, les petites boutiques d’artistes, les pages Facebook, les comptes instagram, difficile d’exposer et de vendre sa production.
La pauvre vie d’artiste “non essentiel”
A l'heure où le slameur Grand Corps Malade sort la chanson "Pas essentiel", Les artistes sont artristes, - comme près de 12 Millions de personnes en France (+10% vs 2019) - , ils vivent déjà de manière précaire et souvent en dessous du seuil de pauvreté, avec moins de 885€ par mois.
Avec l'état d’urgence sanitaire, les lieux d’exposition, les salons des artistes, les marchés de Noël ont été longtemps fermés. C’est encore le cas pour les bars et les restaurants qui sont aussi des lieux d’expo et devront attendre à minima le 20 janvier 2021 pour rouvrir.
Aujourd’hui, il en va de la survie des artistes.
Pour passer le cap, pour mettre un peu de beurre salé dans les épinards, voici quelques pistes officielles et aides pour aider les saltimbanques de la vie.
Il y a bien sûr les aides de l’Etat avec des gros dossiers à l’appui.
Quid des Aides
La Maison des artistes propose une liste complète des aides selon votre statut. A noter que la plupart des aides sont faites aux entreprises.
Si vous êtes indépendant, voici la page la plus complète sur les aides.
Mais toutes ces aides, les fameux 35 M€ dont parle la nouvelle ministre de la Culture Mme Roselyne Bachelot, n’iront pas ou peu aux artistes eux-mêmes. Ce sont les théâtres, les musées, les régions et départements qui en bénéficieront dans le cadre de structures organisées, reconnues, labellisées, encadrées.
L’artiste lambda, c'est-à dire 90% des artistes, ne touchera rien, nada, peau de balle.
Rappelons que : “La moitié des artistes-auteurs affiliés se partage moins de 10% de l’ensemble des revenus, tandis que les 10% d’artistes-auteurs les mieux rémunérés concentrent à eux seuls plus de la moitié de ces revenus." (source CAAP Comité Pluridisciplinaire des Artistes-Auteurs et des Artistes-Autrices)
L’art c’est la vie, mais qui achète de l’art ?
Aujourd’hui, pour tous ces anonymes, peut-être les Van Gogh de demain, point de salut.
L'artiste-auteur est le seul travailleur qui peut rapporter davantage une fois mort que de son vivant. Pour cet aventurier de l’esthétique moderne, il faudra souvent un vie entière batailler. Résister aux préjugés car artiste, franchement, ce n’est pas un travail sérieux, ne pas faiblir à chaque fois qu’on entend, “c’est moche” en lieu et place de “cela ne me plait pas”, s’acheter son matériel, trouver un atelier (souvent son salon), traverser les périodes de doutes, défendre et publiciter son travail, trouver des galeries où exposer, et surtout rencontrer son public.
Car sans public, sans amateur d’art, sans collectionneur, sans coup de cœur, point d’avenir pour les artistes.
Ce ne sont pas les productions made in déco à gogo, les posters en papier, ou les reproductions de la Joconde dans votre salon qui feront vivre ces milliers de peintres, graffeurs, dessinateurs, pochoiriste, sculpteurs, qui n’ont pour motivation finale que l’envie de créer.
Créer pour Vivre...non pas pour Survivre.
La pluralité artistique en France et particulièrement en Bretagne est riche d’énergies et de volontés. Des collectifs comme Coef 180 à Saint-Malo sont très actifs et tournés vers des publics populaires. Idem pour “Hors Cadre” le collectif né autour de la Galerie Bar “Art au Bar” au Minihic-sur-Rance qui organise des expositions collectives avec des petits prix et des jeunes artistes.
Alors si vous voulez sauver des artistes, n'hésitez plus:
Poussez les portes des galeries d’art, aidez les artistes, achetez en direct des œuvres originales et uniques. Interpellez-les sur leurs pages Facebook, sur leurs comptes Insta, osez demander le prix, osez, -pourquoi pas- négocier le prix ou les modalités de paiement. Les artistes aussi sont des commerçants (souvent mauvais ;-)- Ils ne vivent pas seulement d’amour et de bières fraîches.
Les galeries et lieux d'expositions du secteur
Quelques liens artistiques de la Côte d’Émeraude : Galerie Winston, L’art du coin de la rue, La Galerie Candide Caméra, Le musée Yvonne Jean-Haffen, Le musée Manoli, grand marché de Noël, Art de Dinan, La Halle à Marée, Coriosolis, Montreurs d'Ombres, L' Art au Bar, Le Château Fort de la Hunaudaye, La Maison du Gouverneur et l'Abbaye de Léhon, le Domaine du Montmarin, Artwork CD, l'Espace Culturel Delta, le Centre Culturel Jean Rochefort...
Crédit Photo : “Artriste “by Karo Cottier
Erick Bourriot