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Commerce et crise sanitaire, entretien avec Thierry Huon, président des commerçants de Saint-Malo Intra-muros

Thierry Huon, président des commerçants de Saint-Malo Intra-muros

Le confinement #2 en est à sa 3ème semaine. AGENDAOU entame des entretiens avec des représentants du commerce.
Après Véronique Raffray, élue CCI 35 et directrice de Super U Pleurtuit, nous sommes allés nous entretenir avec Thierry Huon, Président de la première association de commerçants du territoire, celle de Saint-Malo Intra-muros.

Certains commerçants sont locataires des murs et versent un loyer, d'autres sont propriétaires mais remboursent un emprunt. Il en est de même pour les fonds de commerces, et il y a aussi les franchisés. Alors quelle est la situation du commerce Intra Muros?

T.H:  Les commerces alimentaires sont ouverts ainsi que quelques commerces non alimentaires qui font du "click and collect" ou du "drive" (La Marelle,  Missuko ou La Manufacture).  Mais c'est éparse et comme Intra-muros n'a plus trop d'habitants et que les autres commerces sont fermés, ils ont forcément moins de clients.
Les restaurants qui font de la vente à emporter sont beaucoup moins nombreux que lors du premier confinement. C'est dur psychologiquement de passer ta journée ou une partie de ta nuit à préparer pour finalement n'avoir que trois clients. Il manque l'effet de masse.
Lorsque les commerces de la rue de l'Orme sont ouverts avec le marchand de primeurs, Bordier, la boulangerie et la poissonnerie ça crée une petite ambiance marché où les gens se retrouvent.
Mais, quand c'est trop épars, ça ne fonctionne pas.
Pour tout le monde, c'est la galère. Les assurances ne fonctionnent ni sur les crédits, ni sur la perte d'exploitation. Les loyers courent et sont souvent très élevés.

Quel est l'état d'esprit des commerçants?

T.H. Le Premier Ministre a annoncé hier que le confinement serait renforcé avec pour objectif une ouverture des commerces au 1er décembre et des bars restaurants pour Noël.
L'inquiétude est de savoir quand on ouvrira réellement et si les gens n'auront pas déjà fait leurs achats sur internet parce qu'ils auront eu un mois de confinement.
A court terme, on ne voit pas de solution. Il faut ouvrir au plus vite.

[N.D.L.R.: La poste annonce une hausse de 21% du nombre de colis en 2020...]

Se sentent-ils soutenus?

T.H. Énormément de choses ont été mises en place, mais trop d'infos tuent l'info. Aujourd'hui, le gouvernement, les régions, les communes, les comptables, les chambres de commerces... tout le monde y va de sa liste et on finit par s'y perdre, et s'angoisser encore plus.

Les commerçants sont vraiment très inquiets (voir désespérés pour certains), et à cela se mêle souvent une part de fatalisme et une part de révolte...
L'offre à Intra a beaucoup évolué ces dernières années, elle s'est à mon sens nettement améliorée (vers plus de produits locaux, de saisons, de circuits courts, d'éthique) mais on souffre d'a priori, d'une image "attrape touriste" (même un type qui ne doit pas mettre souvent les pieds intra m'a parlé de "Disney Malo") ce qui est dur à entendre car les commerçants mettent souvent toute leur vie dans leur boutique et pour une part leur modèle économique repose sur une fréquentation à l'année d'un public local... qui n'est pas là et ne nous soutient pas ou peu...

A votre avis que faudrait-il faire au niveau numérique?

T.H. Les marketplaces sont une piste évoquée et méritent qu'on y réfléchisse. Mais, ce n'est pas une fin en soi. Même si pour l'heure, ça semble être une bonne piste, ce n'est pas ça qui va nous permettre de tenir... D'autres mesures devront être prises notamment lors du déconfinement (action sur le stationnement, sur le transport... un plan de communication etc...)
Il ne faut pas que ce soit fait dans la précipitation.
En ce moment, c'est un peu ça qui m’inquiète.
Par contre, il y a un besoin de formation et de digitalisation des commerçants, c'est certain, ne serait-ce que pour la communication avec les services administratifs pour toucher les aides.

Pourtant, on voit fleurir un peu partout des plateformes de vente en ligne. Qu'en pensez-vous?

T.H. Chaque ville, quasiment chaque agglomération va créer sa marketplace. Mais ce n'est pas dans l'ADN des commerçants. Nous sommes des petits indépendants. Nous essayons d'avoir une identité, d'avoir du relationnel client, de créer une ambiance. Déléguer ça à une plateforme supplémentaire, ce n'est pas forcément évident.
Et puis avant qu'on gagne de l'argent avec ça, à mon avis, il va s'écouler pas mal de temps.

Certains commerçants sont déjà équipés. Qu'en pensent-ils?

T.H. Certains commerçants, comme moi, ont fait leurs sites personnels. Moi, je l'ai fait seul, mais d'autres ont dépensé beaucoup d'argent pour se lancer et se disent maintenant qu'ils n'auront pas les aides et que leurs sites feront doublon avec les marketplaces.


NDLR: la Fédération du Commerce et la CCI préparent une plate-forme d'achats en ligne pour remplacer Moncommerce35.
AGENDAOU, de son côté, travaille à créer SURMAZONE.bzh, qui ne sera pas une plateforme d'achat en ligne supplémentaire, mais un outil de globalisation d'une économie fragmentée.


Propos recueillis par Philippe Le Roy

Publié le , mis à jour