Agriculture et Normes, la french touch, l’Édito de Pascal L'Hermitte, la Ferme de la Moinerie
Pascal L'Hermitte
Début avril, Pascal L'Hermitte, éleveur, expliquait les normes européennes pléthoriques de la Politique Agricole Commune. Dans ce nouvel Édito, il est question de la manière dont la France s'inscrit dans le cadre réglementaire européen.
Beaucoup se sont demandé ce que pouvait être cette «french touch» évoquée à la fin de la dernière gazette. Autant vous l’avouer, le sujet est énorme et l’accouchement de cette chronique aura été difficile de par la complexité du sujet. Penchons-nous sur le berceau: notre «touche française» n'est-elle pas «à chaque problème, une loi, des normes»… Alors une fierté ou un boulet?
Illustration avec les pesticides
Cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques etc… Ces adjectifs qui font peur sont bien souvent les classements des pesticides utilisés en agriculture (pour relativiser on les retrouve aussi dans l’industrie et ailleurs!). L’utilisation de tels produits n’est pas sans conséquences sur la santé des agriculteurs (en première ligne), des riverains et consommateurs (en deuxième ligne et troisième ligne). Alors peut-on laisser utiliser ces produits en toute liberté sans précautions? Non bien sûr et c’est ici que tout un arsenal normatif vient réguler et contrôler leurs usages. La norme est ici destinée à prévenir des conséquences de l’usage. Fort justement certains nous diront qu’il faut interdire purement et simplement les produits incriminés, mais ça c’est une autre histoire!
Dans notre pays nous savons durcir les normes européennes mais c’est parfois au risque de créer une distorsion de concurrence avec d’autres pays membres de la communauté (pour l’aspect juridique). En revanche il est difficilement compréhensible vu de l’étable, qu’un produit interdit en Europe se retrouve dans les denrées importées en toute légalité. Pour complexifier le jugement, notons que la norme européenne peut aussi être plus contraignante que la nationale.
Surproduction de normes
Le principe de la norme ne peut pas être remis en cause dans nos sociétés où le sens de l’intérêt général est trop souvent relégué au second plan, c’est plutôt l’empilement des normes, leur surproduction anarchique qui rendent leurs lisibilités et leurs compréhensions parfois difficiles. Pas étonnant que cela génère des angoisses chez les agriculteurs, des angoisses amplifiées par des épisodes climatiques anormaux qui obligent à repenser habitudes et méthodes (ce qui n’est pas simple dans un milieu plutôt conservateur). L’incertitude sur les prix de vente de la production n’arrange rien.
Élagage des règles en 2024
En agriculture le terme de simplification est sur toutes les lèvres depuis le salon de la grogne agricole 2024. Par une incroyable magie, cette «simplification», qui semblait être une meilleure lisibilité et compréhension de la norme avec une approche moins administrative, devient un élagage pur et simple de règles de bons sens pour peu que l’on juge les enjeux environnementaux capitaux pour l’avenir même de l’agriculture. La souveraineté alimentaire est remise au centre des préoccupations (place qu’elle n’aurait jamais dû quitter) mais ne doit pas être un prétexte favorisant des mesures simplistes aux effets contraires à l’objectif recherché. Doucement mais sûrement nous avons glissé sans le dire sur la thématique de la biodiversité qui mérite bien une prochaine gazette, Pascal L'Hermitte