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Récifs d'hermelles, un rôle écologique majeur

Les hermelles construisent des édifices tubulaires qui peuvent devenir monumentaux - Photo © Ifremer - Article AGENDAOU

L’hermelle, petit ver marin vivant en colonie, est à l'origine de récifs de sable monumentaux dont les plus spectaculaires d'Europe se situent en Baie du Mont Saint-Michel. Leur présence joue un rôle majeur dans l'environnement. Les scientifiques d'Ifremer se sont intéressés à sa conservation, des travaux qui sont en phase avec le Congrès Mondial de la Nature de l’Union internationale pour la conservation de la nature qui se tiendra du 3 au 11 septembre prochain à Marseille.

L'hermelle, un petit ver qui voit grand

Dans la Baie du Mont-Saint-Michel par exemple, les récifs créés par les hermelles culminent à plus de 2 mètres de haut et occupent plus d’une centaine d’hectares, ce qui en fait la plus grande construction animale d’Europe,
Stanislas Dubois, chercheur au Laboratoire d’écologie benthique côtière à l’Ifremer et coordinateur du projet REEHAB (REEf HABitat).

Ce petit ver marin tubicole d'à peine 3 cm de long (en latin Sabellaria alveolata) bâtit des édifices spectaculaires dans des zones soumises aux marées.
À 5 semaines, les larves de Sabellaria alveolata se fixent sur l’estran et construisent à marée haute leur habitat via leurs filaments tentaculaires qui captent les grains de sable qui formeront les parois du tube. Elles produisent elles-mêmes une colle qui consolide le tout.


Les hermelles jouent un rôle de régulateur écologique majeur en filtrant une grande quantité d’eau. Par ailleurs, leurs récifs sont un abri privilégié par de nombreuses espèces.

Ces derniers sont aussi un atout pour la protection des côtes grâce à l’effet «amortisseur de vagues», un rôle clé face à la montée du niveau de la mer.

Des îlots de biodiversité

Les scientifiques de l’Ifremer cherchent à mieux connaître l'espèce.

Sur les 10 sites que nous suivons en Europe, on a dénombré 130 espèces différentes. On considère qu’il y a 10 fois plus d’espèces dans 1 m2 de construction récifale que dans 1 m2 de sédiments meubles qui l’entourent.
Les récifs sont des îlots de stabilité dans des environnements extrêmes où les animaux doivent s’adapter à des changements permanents.
Sur l’estran, les organismes peuvent subir un changement de température brutal, de 40-45 °C en plein soleil à marée basse, à 10 °C lors de l’immersion par les vagues. En s’enfonçant dans le récif, les organismes peuvent alors mieux se protéger du stress lié à ces variations thermiques.

Cette richesse biologique est une caractéristique commune à tous les récifs d’hermelles même si les associations d’espèces qu’on y croise sont différentes entre l’Écosse et le sud du Portugal, du fait notamment de conditions environnementales très fluctuantes.
Si les autres espèces de vers marins, de crustacés, ou de mollusques qui fréquentent le récif ne sont pas toujours identiques d’un rivage européen à l’autre, elles remplissent par contre toujours le même rôle écologique au sein du récif.

Diversité génétique

En suivant une vingtaine de populations d’hermelles d'Europe jusqu’au nord de la Mauritanie, il apparaît que

la diversité génétique est plus forte aux extrémités Nord (Mer d’Irlande, Manche) et Sud de la zone de vie de l’espèce. Elle est plus faible au centre de cette zone, dans le Golfe de Gascogne ou en Mer d’Iroise par exemple.
On sait par exemple maintenant que les populations du Royaume-Uni ont une diversité génétique élevée mais, en étant en limite nord de la répartition, ce sont des populations plus susceptibles de s’effondrer face à des évènements climatiques extrêmes.
On a déjà observé des extinctions locales de la population qui ont conduit à des chutes de diversité génétique.
Il faut donc adapter les mesures de conservation à ces zones génétiquement diversifiées et potentiellement plus à risque,
Flavia Nunes, chercheuse au Laboratoire d’écologie benthique côtière de l’Ifremer

Protéger les récifs

L'Ifremer a édité un guide méthodologique à destination des gestionnaires d’espaces naturels: parcs marins, réseau Natura 2000… Ils peuvent ainsi réaliser des relevés de terrain, dont les données seront interprétées ensuite avec l'aide des scientifiques.

A venir, une application pour suivre à échéance de 6 mois ou 1 an l’état de santé écologique des récifs d’hermelles suite aux relevés réalisés.

Nous souhaitons également proposer une cartographie dynamique des récifs d’hermelles sur les côtes françaises au moyen de drones détectant automatiquement la présence et l’évolution des récifs grâce à l’utilisation de systèmes d’intelligence artificielle.
Le développement de ces nouveaux outils constituera une aide indéniable pour les gestionnaires en charge de la préservation de cette surprenante mais néanmoins très précieuse biodiversité,
Stanislas Dubois

Pour en savoir ENCORE +, Voir la vidéo YouTube


Nathalie Le Roy
Visuels © Ifremer

Publié le