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Marie-Cécile Kasprzyk-Istin, un Doctorat récompensé par un Prix de la Société Française d'Histoire Maritime pour des recherches à la croisée du maritime et de l’aérien

Les travaux de Marie-Cécile Kasprzyk-Istin, Docteur en Histoire des Mathématiques, ont été récompensés par le Prix Etienne Taillemite de la Société Française d'Histoire Maritime -AGENDAOU

Professeure de mathématiques au Lycée Hôtelier de Dinard et passionnée d’histoire des sciences, Marie-Cécile Kasprzyk-Istin s’est lancée il y a 11 ans dans une thèse soutenue le 29 octobre 2018.
Le sujet : En quoi la navigation aérienne s’est-elle appuyée sur les connaissances de la navigation maritime durant la première moitié du XXe siècle. Ses travaux ont été récompensés par le prix Etienne Taillemite de la Société Française d’Histoire Maritime, remis fin 2021.
Unique spécialiste du sujet, elle est auteure de plusieurs publications et de nombreuses conférences sur ce thème.

Pourquoi avoir choisi ce sujet?

Capitaine au long cours, mon père parlait souvent des tables de navigation de Friocourt et mon mari est pilote privé. Dans mon sujet, j’ai mixé ces deux centres d’intérêt. Au début de l’histoire de l’aéronautique, il n’existe pas de centre de formation à la navigation pour les pilotes. En revanche, les marins passent forcément par l’École navale ou les écoles d’hydrographie, où ils reçoivent un enseignement très formaté et commun à tous.
Les premières écoles de navigation aérienne supérieure datent du début des années 20. L’enseignement y est assuré par des marins jusqu’au début des années 30. Ils sont eux-mêmes des marins qui volent et ont adapté leurs connaissances à l’aviation.
La navigation était alors basée sur la science et les mathématiques : le sextant permet de faire un point d’étoile en mettant en œuvre des calculs mathématiques complexes.
Marie-Cécile Kasprzyk-Istin

Marins et aéronautes ont donc des outils communs ?

Le compas (= boussole) est partagé par la navigation supérieure (dont l'astronavigation) et basique. Mais encore au début des années 30 et en caricaturant, on pourrait dire que les aviateurs militaires volaient à vue ; ils ne font pas confiance à la boussole car faute de formation, ils ne comprennent pas le matériel.

A quel moment les techniques ont-elles évolué dans la navigation aérienne?

A partir du moment où les avions ont eu une autonomie beaucoup plus importante et fait des vols plus longs. Le grand progrès a été la radionavigation (elle existe avant la première guerre mondiale dans la navigation maritime et ne s’installe dans l’aviation qu’au début des années 30 pour des raisons de place dans le cockpit, de fiabilité du matériel et de formation du personnel) mais les militaires s’en méfiaient car elle rendait dépendant des autres et était perméable à l’ennemi, ce qui posait problème dans le contexte des années 30. Elle se généralise pour sécuriser l’aviation commerciale.
Plus tard en 1941, en pleine guerre, des procédés plus techniques se développent. Le matériel devient plus sophistiqué.

Que reste-t-il de tout ça dans la technologie actuelle ?

Dans l’aviation et la marine, les techniques mises au point au début des années 20 ont été utilisées jusqu’à la fin du 20e siècle et la généralisation du GPS. Leur avantage était de rendre autonome le navigateur mais au prix d’un entraînement intensif car les calculs doivent être réalisés rapidement pour ne pas être faussés suite au déplacement de l’appareil. Il y a toujours une «aristocratie» de ceux qui savent faire le point sur mer et dans le ciel. Le GPS est l’héritier de ce calcul scientifique et mathématique.

Quel bilan tirez-vous de vos travaux?

Si les aéronautes de la première moitié du XXe siècle se sont appuyés sur la navigation scientifique des marins, ils ont dû innover en raison de leurs contraintes de place, de vitesse, de position par rapport à l’horizon.
Par ailleurs, aucune étude n’avait été faite sur ce sujet à la croisée du maritime et de l’aérien, du militaire et du civil, de l’histoire et des mathématiques, de l’enseignement et de la pratique.
Je trouvais important de travailler sur cette navigation actuellement en voie d’extinction le temps qu’il en reste encore des témoins.
Devant les interrogations des élèves qui ont parfois l’impression que les maths ne servent à rien, j’avais aussi envie de montrer leurs applications pratiques. 

Vous êtes la Lauréate 2020 du prix Etienne Taillemite?

Oui, ce prix de thèse attribué en 2020 m’a été remis fin 2021 en raison du Covid. J’ai eu la chance que ma thèse soit remarquée par le Contre-Amiral Petit, membre de l’Académie de Marine et ancien navigateur aérien. Il fait partie de ceux qui savent encore faire de la navigation scientifique aux instruments.

Nathalie Le Roy

Publié le