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Le Haut Conseil Breton pour le Climat (HCBC) publie son premier bulletin annuel sur le changement climatique en Bretagne #2022

Un an après son installation, le HCBC présente ses travaux dans un document dressant le bilan d’une année 2022 record en Bretagne.
Nous reprenons ici in extenso certains points.
Vous trouverez en bas d'article un lien vous permettant de consulter le rapport dans sa totalité.

2022, l’année la plus chaude jamais enregistrée en Bretagne... pour l'instant

L’année 2022 a été marquée en Bretagne comme ailleurs dans le monde par des conditions météorologiques et climatiques remarquables. À Rennes et à Brest, il s’agit de l’année la plus chaude jamais enregistrée : la moyenne annuelle a dépassé de près de 4 dixièmes de degrés l’année record antérieure (2020).
Les valeurs moyennes trentenaires sont dépassées d’un à plus de deux degrés selon les stations et la période de référence.

Températures moyennes annuelles (en °C) à Brest (à gauche) et à Rennes (à droite).
Les observations de 1950 à 2022 sont représentées en vert. Les projections climatiques sont en orange pour le scénario intermédiaire (RCP4.5) et en rouge pour le scénario à fortes émissions de gaz à effet de serre (RCP8.5).
Les valeurs moyennes trentenaires sont indiquées pour quelques périodes représentatives ; les valeurs pour Nice, Avignon, Toulouse et Angoulême pour la période de référence 1951-1980 correspondent à la position du nom
de ces villes sur l’échelle des températures.
Source des données : Météo France et portail Drias, réalisation HCBC.


2022, sécheresse crise et tension sur la ressource en eau

L’été 2022 a été très sec en Bretagne notamment le mois de juillet qui a atteint un record avec seulement 0.8 et 4 mm de pluie à Rennes et Brest, respectivement, soit des déficits de précipitation de 98 et 94% par rapport à une année moyenne.
En fait, la sécheresse de 2022 a débuté en Bretagne dès l’automne 2021 avec 9 mois déficitaires en pluie sur 12 (figure 6) entre septembre 2021 et septembre 2022.
Le déficit en pluie a été particulièrement remarquable de janvier à mai 2022, avoisinant 50% par rapport à une année moyenne tant à Brest (-49%) qu’à
Rennes (-46%)

Alerte sur l’eau potable

Comme beaucoup d’autres départements français, les 4 départements bretons ont été placés en situation de vigilance, puis d’alerte et enfin de crise vis-à-vis
de la ressource en eau. En juillet 2022, l’ensemble des départements bretons était en situation ee crise avec des réductions de prélèvements pour l’agriculture et l’industrie, et des réductions d’usage pour les particuliers.
Cette situation a connu un paroxysme dans les Côtes d’Armor où la préfecture alertait dans un communiqué le lundi 26 septembre sur " un risque sérieux
de rupture de l’alimentation en eau potable" dans les semaines à venir.
Le retour des précipitations en octobre et surtout en novembre (+28% de pluie
par rapport à la normale dans la région de Rennes) a heureusement permis d’éviter cette situation, mais cela s’est joué à 15 jours près dans certains territoires
comme celui de Dinan. Cette situation d’extrême tension sur l’eau potable est liée au fait que 70% de l’alimentation en eau potable de la Bretagne provient de retenues qui se remplissent grâce aux précipitations hivernales.
Une année comme l’année 2021-22 où l’hiver et le printemps ont été
secs à très secs conduit inévitablement à des tensions sur l’eau potable l’été et l’automne suivants, surtout si l’été est lui aussi très sec, comme cela a été le
cas en 2022.


L’été 2022 : l’association sécheresse – chaleur extrême

L’été 2022 a souvent été comparé à l’été 1976, qui jusqu’ici faisait référence en matière d’été très sec.
Si les volumes cumulés de précipitations observés à Rennes du 1er mai au 31 août sont effectivement comparables (107 mm en 2022 contre 82 mm en 1976), il existe une différence notable entre les deux années qui est l’occurrence en 2022 de pics de chaleur extrême qui n’étaient pas observés en 1976.
Ainsi, le seuil des 37,5°C a été dépassé à trois reprise en 2022 à Rennes avec un maximum de température atteint le 17 juillet de 40,5° C, alors que ce seuil n’avait pas été dépassé en 1976, le maximum de température observé à Rennes cette année-là n’étant que de 36,3°C.

Encore plus que la sécheresse, c’est l’association sécheresse – pics de chaleur extrême qui caractérise l’année 2022.


Chaleur et sécheresse : impacts sur la faune et la flore

Des plantes rares menacées par les incendies
L’une des manifestations les plus spectaculaires des conséquences de la sécheresse et des fortes températures observées en 2022 est sans conteste la multiplication des feux de forêts et de landes, qui ont endommagé près de 400 hectares (ha) aux portes de la forêt de Brocéliande (Morbihan) et plus de 2000 ha remarquables dans les Monts d’Arrée (Finistère). Les monts d’Arrée abritent
environ 7000 ha de landes et de tourbières, soit plus du tiers des landes et tourbières de Bretagne.
Même s’il est encore trop tôt pour évaluer l’impact sur le moyen terme, certaines stations de plantes rares et menacées ont été touchées par les incendies, notamment le Lycopode sélagine (Huperzia selago) et l’orchidée Malaxis des tourbières (Hammarbya paludosa). Les populations de ces deux espèces à affinités montagnardes ont trouvé refuge dans le microclimat frais et humide des monts d’Arrée.

Les incendies, mais surtout l’accentuation des périodes de sécheresse, constituent une menace pour leur survie en Bretagne.

Un été chaud pour les organismes marins et terrestres
Les vagues de chaleur estivales et la longue période de sécheresse en 2022 ont affecté une large diversité d’organismes animaux et végétaux. Ainsi, la récolte des moules de bouchots de la baie du Mont-Saint-Michel, vendues sous Appellation d’origine protégée (AOP), a dû être reportée de près d’un mois en raison de leur retard de croissance, afin d’atteindre un calibre commercialisable. Selon les producteurs, ce retard de croissance résulte des faibles débits observés dans les cours d’eau dont les apports en matière organique contribuent à fournir les éléments nutritifs nécessaires.
On imagine sans peine que de nombreux autres organismes filtreurs qui ne font pas l’objet d’une exploitation commerciale, ainsi que ceux qui en dépendent (prédateurs) ont également été touchés.
Les chauves-souris ont aussi souffert des vagues de chaleur qui se sont succédé au cours de l’été. Les gîtes exposés et peu ventilés (combles, greniers,...) se sont transformés en "fours" au cours de ces épisodes.
Des abandons de gîte, des déplacements d’animaux, des mortalités exceptionnelles etc..., ont été observés: ce phénomène a alerté les spécialistes sur les risques liés à l’accroissement prévu de la fréquence de ces épisodes climatiques et une réflexion est en cours sur les mesures à préconiser en termes d’aménagement des gîtes.

Les effets complexes du changement climatique sur les insectes
Les insectes font partie des ectothermes, ils ne produisent pas de chaleur interne
et dépendent des sources extérieures de chaleur pour augmenter leur température corporelle. Ils sont donc particulièrement impactés par l’augmentation des températures, principalement en hiver, et par l’augmentation, en nombre, durée
et intensité des vagues de chaleur.
L’augmentation des températures moyennes entraîne une réduction de la durée de développement des insectes, se traduisant par une faible taille des adultes pouvant entraîner une réduction de leur longévité et de leur fécondité.
En conséquence, le nombre de générations annuelles peut augmenter chez les espèces se reproduisant plusieurs fois par an, entraînant des risques de pullulations d’insectes ravageurs comme les pucerons.

Les comportements sont aussi modifiés. Une température plus élevée
rend les insectes plus actifs, et plus rapides dans leurs mouvements. Les insectes prédateurs (comme par exemple les fourmis) peuvent ainsi capturer plus de proies par unité de temps.

Perturbation des chaînes alimentaires et des périodes de pollinisation
Un autre effet majeur porte sur les modifications de phénologie (c’est-à-dire les éléments périodiques prédéterminés par les variations saisonnières).
Par exemple, des températures plus élevées entraînent une migration printanière des pucerons plus précoce. Il a été démontré qu’elle a avancé de près d'un mois entre 1978 et 2015 en France.
De même, pour plus de 2000 espèces de pollinisateurs européens, la date moyenne de vol a avancé à un rythme de 1 jour/décennie au cours des 60 dernières années. Ces évolutions peuvent modifier les interactions entre espèces
d’une même chaîne alimentaire (plantes, insectes phytophages, insectes prédateurs, oiseaux, par exemple) [...]
On le voit, les effets du changement climatique sur les insectes de notre région sont multiples, ce qui rend difficile la prédiction de l'augmentation ou de la réduction des populations d’une espèce donnée. On peut cependant aider les insectes à résister aux stress engendrés par le changement climatique.


Agriculture2022 : bilan et impact du climat

Un impact sévère mais variable selon les filières
Outre les facteurs économiques (hausse des coûts de production, notamment énergétiques ...) l’agriculture fait face aux aléas et changements climatiques. L’intensité et la durée des vagues de chaleur qui se sont succédé en toutes saisons au cours de l’année 2022 ont impacté la productivité des filières végétales et animales et par conséquent le rendement et la qualité des produits.[...]

Des opportunités nouvelles en émergence ?
Si les impacts sur la ressource en eau et l’agriculture en général sont avérés et plutôt néfastes avec nécessité d’adaptation, les conditions climatiques régionales offrent cependant de nouvelles opportunités de cultures annuelles (ex.cacahuètes, pastèques, pois chiches, patates douces, soja...) ou pérennes (ex. amandiers ou vigne).[...]


Santé, habitat et chaleur estivale : constats et actions à mener

Nuits tropicales et îlots de chaleur à Rennes
L’extension des surfaces urbanisées génère des phénomènes climatiques locaux dont les îlots de chaleur urbain (ICU) sont la manifestation la plus marquante. Il s’agit d’un phénomène nocturne résultant de la restitution de la chaleur accumulée pendant la journée par les bâtiments et les surfaces non végétalisées. Il est plus intense lorsque la situation météorologique est radiative (vent et couverture nuageuse faibles).
Les ICU sont des facteurs d’aggravation des risques de mortalité lors des vagues de chaleur car le seuil de récupération physiologique nocturne (température inférieure à 20°C, on parle alors de "nuit tropicale") n’est pas atteint[...]
À Rennes, les mesures réalisées depuis 20 ans montrent que les ICU de forte intensité (plus de 4°C de différence entre le centre ville et la campagne environnante) sont observés dans 16,5% des nuits et surtout l’été :
le 18 juillet 2022 un ICU record de plus de 9 degrés a été observé !
Cette même année 2022 a été caractérisée par une valeur remarquable de 8 nuits tropicales dans le centre de Rennes alors que la moyenne interannuelle observée au poste météorologique de Saint Jacques de la Lande est inférieure à une journée
par an ! À l’échelle des villes, le réchauffement climatique global est donc accentué (et d’autant plus que la ville est étendue et verticale) par le réchauffement local provoqué par l’artificialisation des surfaces.[...]

S’adapter ET atténuer le réchauffement climatique à travers nos choix constructifs
En termes d’habitat, lutter contre le réchauffement climatique est avant tout assuré en limitant notre consommation de chauffage et de climatisation. Pour
cela, le choix d’une haute performance hygrothermique des enveloppes des bâtiments, permettant une bonne régulation de la température et de l’humidité intérieures, est essentiel. Sans système de climatisation, il est possible de réguler la température intérieure d’un logement en été lors des fortes chaleurs, en disposant des matériaux d’isolation créant une "masse thermique" et assurant à la fois un déphasage (temps que met la chaleur à traverser un matériau) et un lissage des températures entre l’ambiance extérieure et l’ambiance intérieure
des logements [...]
Depuis le 1er janvier 2022, une nouvelle réglementation thermique et environnementale, la RE2020 est en vigueur pour les bâtiments neufs résidentiels, de bureaux et d’enseignement primaire et secondaire.
Cette réglementation est en rupture avec les précédentes sur deux points essentiels :
1. adaptation au changement climatique : un fort renforcement des exigences concernant le confort d’été ;
2. atténuation : mise en place de seuils maximums d’émissions de GES liés à
la construction (matériaux) et à l’usage des bâtiments (systèmes de chauffage,
d’éclairage, d’eau chaude sanitaire, VMC, etc.)

Il faudra à court terme renforcer encore les exigences, notamment pour le secteur tertiaire et la rénovation. C’est un enjeu majeur car les constructions résidentielles neuves représentent moins de 1% du parc immobilier chaque année.
[NDLR, sur les ensembles dépendants des Bâtiments de France, il faudra aussi faire des choix: préserver la vie ou préserver l'architecture...]


Atténuer le changement climatique et s’adapter : de jeunes chercheurs y travaillent en Bretagne

Quatre thèses soutenues en 2022 ont retenu l’attention du Haut Conseil Breton pour le Climat. Toutes nos félicitations à ces jeunes docteur(e)s qui contribuent à préparer notre société aux enjeux du climat futur !

  • Les huîtres victimes du changement climatique. Thèse de Mathieu Lutier
  • Défi climatique : élargir les bases du débat. Thèse de Anne-Cécile Renouard
  • L’attrait de la mer plus puissant que la montée des eaux. Thèse d’Eugénie Cazaux
  • Changement climatique, géologie et ressources en eau. Thèse de Nicolas Cornette

ICI: TOUT LE RAPPORT DU HCBC


Haut Conseil Breton pour le Climat, 20 experts pour orienter la politique régionale

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