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L'usine Marémotrice de la Rance, visite guidée avec son directeur, Jean-Marie Loaec

Le site EDF de la Rance -AGENDAOU

Jean-Marie Loaec était ces dernières années, chef de projets dans l’ingénierie hydraulique et auparavant en charge de projets d’éoliennes et d’hydroliennes en mer. Il est responsable du site de la Rance depuis le 1er sept 2022.
Un guide de choix pour faire visiter l'usine à l'équipe d'AGENDAOU.

La direction du site EDF comprend l’usine marémotrice de la Rance et deux barrages dans l’Orne (dont celui de Rabodanges)

Tout l’enjeu sur la Rance est aujourd'hui de trouver un compromis énergie – environnement – infrastructures portuaires – territoire.
J-M Loaec

L’usine marémotrice est au carrefour de nombreux enjeux

Inaugurée en 1966 par la Général de Gaulle, l'usine marémotrice de la Rance est à la fois un site de production d'énergie, une route à 4 voies et une écluse. C'est aussi un barrage qui a profondément modifié l'écosystème de la Rance.

La voie de circulation qui réduit les distances

Avec un trafic quotidien pouvant aller jusqu'à 60.000 véhicules en été, la route du barrage est un élément essentiel pour la circulation entre les rives gauche et droite de l'estuaire de la Rance.
Avant sa construction, sauf à prendre un bac à la capacité limitée, il fallait faire 40kms pour relier Dinard à Saint-Malo via le Pont Saint-Hubert, 4 fois plus que par la route du barrage.

Que pense EDF du franchissement du barrage à vélo?
ICI,
l'interview du directeur du site à ce sujet

L'écluse

Les éclusages réguliers -toutes les heures dès que la hauteur d'eau est suffisante côté mer (4m minimum) - permettent 15.000 traversées de bateaux chaque année.
Ce dispositif a fait passer le nombre de places de mouillage de 200,  avant la création du barrage, à plus de 2000 aujourd'hui.
➭Voir le site internet Marées en Rance avec les prévisions d'éclusages


L'Usine marémotrice

L'usine a 56 ans. C'est un bijou technologique pensé depuis le début pour optimiser la production. Certaines pièces sont d'origine!
JML

Production
24 générateurs d’électricité fonctionnent dans les deux sens (les fameux groupes Bulbe) produisant 500 GWh par an, soit 12% de l’électricité produite actuellement en Bretagne*.
Cette production électrique renouvelable et prédictible  (à + ou – 30 GWh chaque année en fonction de la maintenance et des marées) est injectée sur le réseau.
La production est optimisée grâce aux outils numériques, mais aussi en orientant les pales des hélices afin d'optimiser la production en réglant la vitesse.

*Les autres sites de production d’électricité bretons : barrage deGuerlédan, centrales thermiques Brennilis et Dirinon, les centrales solaires et parcs éoliens...

Interview  JML, Optimiser la production

Le principe de production
A l’étale de marée haute, lorsque la Rance maritime est remplie, on ferme les vannes du barrage, laissant la mer redescendre sans produire jusqu'à ce qu'il y ait plus d'1,5m de dénivelé entre le côté mer et le côté Rance.
Les vannes des 24 turbines sont alors ouvertes et la production dans le sens Rance>Mer commence jusqu'au moment où la Rance s'étant vidée, il n'y a plus assez de dénivelé pour produire.
Les 6 vannes côté Saint-Malo sont ouvertes à leur tour pour abaisser le niveau de la Rance, puis refermées de manière à se rapprocher du rythme de la marée.


En fin d'étale de marée basse, la mer remonte et la production peut se faire dans le sens Mer>Rance lors des journées de grandes marées dès qu'une hauteur de 1,50m de différence entre les deux côtés de l'estuaire est atteinte.
Les 6 vannes côté Saint-Malo sont également ouvertes pour remplir la Rance un maximum, puis refermées au moment de l’étale.
Quand la marée redescend et dès qu’il y a assez de dénivelé pour produire, les  24 turbines sont alors mises en fonctionnement.
Il y a donc de 2 à 4 cycles de production quotidiens, parfaitement prédictibles.

Chacun des 24 groupes bulbe tourne en laissant passer 275 m3/s pour une puissance de 10MW (240 MW en tout).
Particularité : il est possible de pomper l’eau de la mer pour élever le niveau de l’estuaire et ainsi optimiser la production.

A noter que les 6 vannes installées côté Saint-Malo laissent passer jusqu’à 9.600 m3/s, soit l'équivalent d'un grand fleuve en crue!

EDF a étudié la possibilité de positionner des hydroliennes devant les vannes, mais ceci générerait une perte d’efficacité dans la production d’électricité du fait des pertes de charge, donc d’un débit entrant et des niveaux en Rance moins importants.

Il n’existe actuellement que deux usines marémotrices dans le monde, mais à la différence de celle installée en Corée, l'usine de la Rance est la seule capable de produire de l’électricité dans les 2 sens, en marée montante comme descendante
JML

Interview, Jean-Marie LOAEC sur la production de l'usine


Gestion des sédiments de la Rance

Si chacun s'accorde sur l'utilité de l'équipement routier et de l'usine électrique , le sujet des sédiments et le sujet qui fâche.
Reportage M6 Envasement de la Rance

La Rance maritime qui était autrefois remontée par les marées jusqu’à l’écluse du Lyvet est le seul estuaire du monde entièrement barré par un barrage électrique.
Le régime naturel des marées est dès lors remplacé par des mouvements d’eau qu’EDF fait varier en fonction de sa stratégie de production, altérant le processus de sédimentation naturel.
Ainsi, en Rance, depuis 55 ans, les durées d’étales sont plus longues et le marnage réduit.
Les sédiments ont plus de temps pour se déposer et le barrage maintient dans l’estuaire un fond de cuve jamais vidé qui empêche leur évacuation.
La progression massive de l’envasement a des conséquences graves sur les usages maritimes de la pêche, de la plaisance, des activités de loisirs, mais aussi sur l’écosystème.
Rance environnement

Ce que dit EDF

Le niveau d’eau en Rance dépend du fonctionnement de l’usine marémotrice qui est dépendant du rythme des marées et du cahier des charges de la concession. Depuis 2020, le fonctionnement de l’usine a été modifié pour regagner des zones d’estran dans l’estuaire en lien avec les objectifs Natura 2000.
On nous demande de faire des amplitudes de marée plus importantes pour se rapprocher davantage des marées naturelles et faire circuler davantage de sédiments.
Nous réalisons également un survidage par les vannes en fin de production pour réaliser davantage de niveaux bas en Rance.
S’il n’y avait pas le barrage, l’amplitude des marées serait de 13,50 m, ce qui ne serait pas sans effet sur les activités nautiques notamment.
Jusqu’en 2020, le niveau maximum était calé à 12m. Maintenant et suite à la concertation menée sur le territoire, il s’élève à 12,3m.
Dans le cadre de l’élaboration du Plan de Gestion Sédimentaire assurée par l’EPTB, une réflexion est engagée avec le Conseil scientifique qui propose de rehausser le niveau à 12,6m (+30cm)

Le barrage a un rôle de régulation
En cas de risque de crue
  et d’inondation sur la Rance fluviale, EDF limite le niveau de l’eau à 10,50m en Rance Maritime afin de permettre l'écoulement au niveau du barrage du Châtelier.
Le maintien d'un niveau d'eau minimum en permanence a permis de multiplier par 10 le nombre de mouillages.

EDF finance le plan de gestion expérimental des sédiments en Rance
Entre 2018 à 2024,  EDF a versé 3.5 millions d'euros à la structure en charge du plan de gestion sédimentaire.
Elle a financé une thèse sur les modèles hydro-sédimentaires afin de mieux comprendre la sédimentation en Rance, participe au Comité de Pilotage et contribue aux études et réflexions menées par les différents acteurs associés au plan.

Les études scientifiques indiquent qu’une sédimentation naturelle s’établit dans les estuaires, il y a toujours plus de sédiments à entrer qu’à sortir du fait de la dynamique de marée.
Le volume de sur-sédimentation est difficile à estimer car plusieurs facteurs sont à considérer.
C’est un sujet d’études complexe et des modélisations hydrosédimentaires sont actuellement menées avec l’appui du comité scientifique pour disposer de données à jour et partagés.
JML

EDF a des obligations par rapport au chenal de navigation
EDF doit également garantir la navigabilité du chenal. Une bathymétrie est réalisée par chaque année pour vérifier l’évolution du tirant d’eau et un curage d’entretien est déclenché par EDF selon les résultats.
Le centre de transit des sédiments de Saint-Samson a été vidé partiellement en 2022. En ce début d’année et dans le cadre du plan de gestion sédimentaire expérimental, il est prévu la réalisation un curage au Chêne vert (pilotage par l’EPTB).

Pour les associations environnementales et les plaisanciers et usagers, c'est insuffisant.


L'apport économique de l'Usine marémotrice pour le territoire

Les retombées locales de l’usine sont estimées à 25 millions d'euros -dont
3,5 Millions d'euros de retombées fiscales
.

Sûreté et maintenance
L’année 2022 a été marquée par d’importants travaux dont 85 % sont confiés à des entreprises françaises et à une centaine de sous-traitants bretons.
Sur la période 2021-2026, ce sont 30 Millions d'€ qui sont investis pour garantir la sûreté et assurer la maintenance de cette installation.
Ce budget s’ajoute aux 60 millions d’€ déjà mobilisés par EDF sur l’usine marémotrice.
La rénovation d’un groupe bulbe complet -par exemple- prend 18 mois et est réalisée en grande majorité par l’équipe mécanique qui dispose d’installations dans la zone industrielle de Dinard.
Les travaux en cours: le groupe 11 est en chantier, avec une reprise d’étanchéité sur le joint coulissant.
Les filins de sécurité maritime ont été agrandis et renouvelés à l'automne pour un budget de  1 million d'Euros.

L'emploi

65 agents EDF sont employés sur le site (35 en exploitation et 25 en entretien-maintenance)
Des agents éclusiers sont présents en 3/8 toute l’année 24h/24. Cette présence permanente permet d'assurer la sûreté et la surveillance de la zone interdite et d'arrêter l’usine en cas d’intrusion (intervention SNSM côté mer/ pompiers côté estuaire)

Vente de l’électricité produite

La production est vendue plusieurs mois -voire deux ou trois ans à l’avance- suivant une bourse de l’énergie dont les cours sont soumis au marché européen.

Avant la guerre en Ukraine et l’envolée des prix de l’énergie de ces derniers mois, l’usine était déficitaire.

Interview de Jean-Marie LOAEC sur l'impact économique


Note de la rédaction

La construction du barrage de la Rance a été une chance et un traumatisme pour le territoire.
Son environnement maritime, son écosystème ont été profondément modifiés et aujourd'hui plus personne n'envisagerait de faire un tel aménagement.
La production d'électricité de l'usine marémotrice est stable depuis son lancement. Elle couvrait alors un tiers de la consommation bretonne. Avec l'augmentation forte de la demande d'électricité ces dernières années, elle représente aujourd'hui 12% de la demande.
Tant du point de vue des déplacements, que de la production électrique renouvelable ou encore des usagers, il est donc inimaginable de revenir en arrière et de s'en passer.
Reste le sujet des sédiments.
Soyons persuadés que cette matière 100% naturelle et abondante peut devenir une ressource et une richesse pour l'agriculture ou d'autres secteurs qui restent à découvrir.

Espace EDF Odyssélec de l’usine marémotrice de la Rance à la Richardais

C'est le 6e site industriel le plus visité en Bretagne et  le 2e site EDF derrière Toulouse-Bazacle.
En 2022, plus de 30.000 visiteurs, dont 5000 scolaires, ont visité l'espace découverte.
L'espace EDF Odyssélec



Allez plus loin

Observatoire de l'environnement en Bretagne

Quelques chiffres

Consommation électrique 2021 en Bretagne :  21,6 TWh
Production électrique bretonne en 2021: 4,4 TWh
Soit une production qui ne couvre que 20% des besoins.


Article NLR
Photos et vidéo PLR et EDF

Publié le , mis à jour