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Huître plate: la Bretagne, Laboratoire de Restauration de l'espèce

Inspection d’un banc naturel d’huitres plates en cours de restauration en baie de Quiberon - © Ifremer - Stéphane Pouvreau

Ostrea edulis, unique huître plate native d’Europe et vieille de plusieurs millions d'années était autrefois très présente sur le littoral européen, de la Norvège à la Croatie. Menacée d'extinction, elle fait l'objet depuis 2018 de recherches des scientifiques de l'Ifremer , d' ingénieurs en matériaux et de professionnels de la conchyliculture.

On trouve des traces de dégustation d’huître dans d’anciens sites mégalithiques à Quiberon et au XVIIe siècle, elles sont évoquées comme une ressource "inépuisable" dans des ordonnances royales
explique Stéphane Pouvreau, biologiste marin à l’Ifremer.

Inscription sur la liste des espèces menacées

Deux siècles plus tard, la surpêche, la mondialisation et deux parasites -Marteilia et Bonamia- sont quasiment venus à bout des bancs d’huîtres plate dont la production française et européenne plonge.

Pour tenter d'enrayer ce processus irréversible, l’huître plate Ostrea Edulis est inscrite sur la liste des espèces menacées de l’OSPAR (Convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est) au début du XXIe siècle.

Puis en 2017, c'est la création de la NORA (Alliance européenne pour la restauration de l'huitre plate) regroupant une centaine de scientifiques et de gestionnaires, relayée en France par le programme FOREVER ("Flat Oyster REcoVERy") et porté par le Comité Régional Conchylicole de Bretagne Sud.

Stéphane Pouvreau, coordinateur scientifique du projet FOREVER, explique :

Notre première initiative a été de dresser un inventaire des principales populations résiduelles en Bretagne, seule région française où l’huître – que l’on appelle ici la Belon- est encore présente à l’état naturel de façon significative.

Cartographier les bancs d'huîtres

Pour retrouver les derniers bancs d’huîtres bretons,

on a utilisé des méthodes modernes comme des technologies acoustiques mais elles se sont révélées peu efficaces au vu de la densité trop faible de la population. On est donc revenu à des méthodes plus traditionnelles comme le bouche-à-oreille sur les ports mais aussi le recours à des sources plus anciennes comme le remarquable inventaire des huîtrières de France du naturaliste Louis Joubin, édité au début du XXe siècle. Sur la base de cet inventaire préalable, nous avons ensuite sillonné les côtes bretonnes à la recherche de ces huitrières oubliées.

Une fois la cartographie dressée, les scientifiques se sont intéressés à la dynamique des populations via l'observation du quotidien des huîtres durant leur cycle de vie : abondance et dispersion larvaire, dynamique du recrutement, facteurs environnementaux, effets de la prédation, impact des maladies parasitaires

Dix foyers de peuplement

Plus d’une dizaine de petits foyers de peuplement de l’huître plate sont présents en Bretagne mais peu étendus et avec une faible densité.
On les trouve de la Baie de Quiberon (56) jusqu’à l’estuaire de la Rance (35) mais deux sites semblent plus propices: la Rade de Brest et la Baie de Quiberon.

Plusieurs facteurs enrayent son développement:
➭  L’absence de supports pour se fixer
➭  La présence de prédateurs redoutables : bigorneau perceur et dorade
➭ La présence des parasites Marteilia et Bonamia
➭  La sédimentation liée au remembrement et à la mécanisation agricole
➭  La pression de la pêche: dragage trop important et pêche à pied non régulée

Des récifs en béton coquilliers

Plusieurs éléments contribuent à sa régénérescence:
➭  Une eau à plus de 18°C pendant quelques semaines pour améliorer la concentration larvaire
➭  Une salinité suffisante car la Belon n’aime ni les eaux trop douces ni trop turbides
➭  Des supports rugueux pour faciliter l’accroche de l'huître et la constitution de récifs essentiels à l'espèce.

La mesure qui semble produire le plus de résultats pour la restauration de l’espèce s’avère l’introduction de supports destinés à jouer un rôle de noyau d’agrégation ou "éco-nucleus" comme point d’ancrage pour le redémarrage d’une colonie à croissance verticale comme le réclame la biologie de l’huître.
Nos essais pilote nous incitent à favoriser une structure tridimensionnelle neutre écologiquement (style coquilles d’huître ou béton calcaire) destinée à favoriser l’implantation des premiers individus.
Les solutions testées fonctionnent mais doivent encore être améliorées avec l'idée d'un "squelette" minéral favorable à l'espèce mais défavorable aux prédateurs, tout en restant compatible avec les exigences environnementales des milieux côtiers.

L'huître. Un rôle dans l'équilibre océanique

On a oublié jusqu’à l’habitat naturel de ces huîtres qui, à l’état sauvage, s’agrègent sous forme de récifs. Des récifs que Moebius, le père de l’écologie moderne comparait à des forêts sous-marine.

Cette vie en récifs permet aux huîtres de se protéger des courants ou des prédateurs. Ils sont aussi des abris pour une centaine d'autres espèces comme les seiches, les pétoncles ou les ormeaux.

Autre intérêt: ces coquillages filtreurs jouent un rôle majeur dans la clarification de la colonne d’eau, permettant une meilleure pénétration de la lumière propice au développement du maërl ou des herbiers de zostères.

La restauration d’Ostrea edulis est donc un enjeu en soi mais aussi pour toute la biodiversité marine qui s’installe sur ses bancs.

Nathalie Le Roy - Photo Ifremer/ Stéphane Pouvreau - Article AGENDAOU.fr

Publié le