Cycle infernal et bon sens paysan, le Billet d'humeur de Pascal L'Hermitte de la Ferme de la Moinerie
Photo M.O.T.
Une compilation de la Gazette de Pascal L'Hermitte permettrait de faire l’inventaire des maux qui font sortir aujourd’hui les tracteurs dans les rues.
Une profession en quête de sens et une société perdue par ses contradictions
Nous écoutons les uns et les autres de nos collègues et entendons surtout en filigrane cette souffrance latente d’une profession surtout en quête de sens dans une société perdue par ses contradictions. Les postures politiques et les mauvaises décisions ne sont que le reflet de cet état de fait. L’aspiration des consommateurs à manger toujours moins cher est "agriculturicide", c’est le fondement du problème. On le sait, dans la part du budget des ménages celle de l'alimentation régresse au profit du superflu : le prix d’un smartphone ou des abonnements numériques illustrent-ils les propos de ceux (médias en tête) qui évoquent l’inflation? Non, la nourriture sert trop souvent d’exemple et c’est ici que le consommateur arbitre. Faut-il une crise majeure à l’instar du covid pour remettre la nourriture au centre des préoccupations? Attribuer au fruit du travail des agriculteurs un juste prix est le seul moyen de redonner de l’espoir aux travailleurs de la terre. Le partage des valeurs (financières et morales) dans toute la chaine alimentaire devrait être "élément terre" (déterminé depuis le travail du sol).
Quel sens donner aux propos de ceux qui veulent moins de normes ?
Des gens sont payés pour écrire des normes et ils sont prolifiques, en connaissent-ils les effets? Bien souvent non. On pourrait s’épancher des heures sur le sujet mais ici posons nous la question du pourquoi les normes? Bien souvent il s’agit de trouver une parade à un dysfonctionnement, citons en exemple la prolifération d’algues vertes, on y répond avec des normes... mais la prolifération des normes finit par polluer la vie des gens. En effet, trop souvent le mix règlementaire surchargé devient illisible ne serait-ce que par les contradictions qu’il engendre et, comble de tout, génère de l'inefficacité. La palme revient sûrement à la la constitution d’un dossier PAC annuel qui relève du casse-tête même pour les agents instructeurs qui n’ont pas toujours les réponses. Cette vasière règlementaire (la conditionnalité des aides) crée une compréhensible lassitude, mais rassurons-nous, des services (payants) aident les agriculteurs à remplir les formulaires.
A l'inverse, on oubliera ici ceux qui veulent moins de normes environnementales pour mieux affronter le changement climatique (entendu)… mais qui voudront plus d’État pour les assister lors de catastrophes climatiques. Nul besoin ici de développer, la queue du serpent va souffrir.
Enfin que dire des incompréhensibles distorsions de concurrence que l’on retrouve avec des d’importations incontrôlées : elles font le miel de beaucoup d’intermédiaires mais perdent les paysans et trompent les consommateurs bien souvent bernés par les origines ou compositions des produits (teneurs en substances interdites sur notre territoire par exemple). Le bons sens paysan est ici vraiment malmené, la colère est justifiée. Mais en ce moment sur les routes, tous les tracteurs ne vont pas à la même vitesse, n’ont pas les mêmes couleurs et ne vont pas dans la même direction. Le cap est difficile à trouver.
Une chose est certaine, il y aura encore du grain à moudre pour les prochaines gazettes... Pascal L'Hermitte