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Campagne IFREMER pour connaître l'influence des changements climatiques sur les courants marins

Thalassa, navire de la Flotte océanographique française opérée par l’Ifremer et sa filiale d’armement Genavir - CC-BY : Ifremer - Stéphane Lesbats

La campagne océanographique CROSSROAD va étudier si le courant océanique AMOC, courant vital pour le climat mondial, ralentit sous l’influence du changement climatique.

Le courant AMOC* joue un rôle fondamental pour le climat en régulant la température de l’hémisphère Nord

Les courants d'eau chaude qui rejoignent l'Europe sont aujourd'hui appelés par les climatologues la circulation de retournement (en anglais Atlantic meridional overturning circulation, AMOC)

Cette circulation océanique reste mal connue et le changement climatique pourrait bouleverser sa dynamique dans les décennies à venir.

Une équipe de scientifiques de l’Ifremer, de l’Université de Brême et de l’Université de Hambourg  étudie cette zone clé de l’AMOC où les eaux froides subpolaires et chaudes subtropicales se rencontrent au niveau des eaux de Terre-Neuve.
Ils disposent du Thalassa, navire de la Flotte océanographique française opérée par l’Ifremer et sa filiale d’armement Genavir.

La campagne océanographique CROSSROAD

Financée en partie par l’ANR (Agence nationale de la recherche), cette campagne s’inscrit dans le cadre du projet européen EPOC (Explaining and predicting the ocean conveyor) dont l’objectif est de comprendre le fonctionnement de la circulation méridienne de retournement Atlantique (AMOC), son évolution passée et future, ainsi que son impact sur le climat.


L’AMOC, quézaco?

C'est un ensemble de courants complexes dont le Gulf Stream et le courant du Labrador comptent parmi les plus connus.
Il transporte les masses d’eaux chaudes – situées entre la surface et 1000 m de profondeur – de l’équateur vers le nord de l’océan Atlantique.
Au contact de l’atmosphère très froide des hautes latitudes, ces masses d’eaux se refroidissent, deviennent plus denses et plongent alors vers les abysses avant de retourner vers l’Atlantique Sud et l’océan Austral. Cette circulation est souvent représentée de façon schématique comme un tapis roulant qui transporte de la chaleur du sud vers le nord mais aussi des nutriments, du carbone et de l’oxygène. Elle influence ainsi l’écosystème océanique et le climat des continents qui bordent l’Atlantique.
La différence de densité de l’eau de part et d’autre de l’Atlantique est l’un des moteurs de l’AMOC et le réchauffement des pôles ou la fonte des glaces, dus au changement climatique, pourraient modifier ce facteur.


Assistera-t-on bientôt, comme certaines publications scientifiques l’affirment, à un ralentissement voire un effondrement de l’AMOC ?

Pour l’instant, nous manquons de données pour affirmer que l’AMOC ralentit sous l’influence du changement climatique. Nos séries temporelles de mesures in situ sont trop peu nombreuses, et il nous faut plus de données pour identifier si les tendances observées sont dues à la variabilité naturelle de l’AMOC ou à un ralentissement lié au changement climatique.
Damien Desbruyères, chef de mission et chercheur Ifremer au laboratoire d'océanographie physique et spatiale

Pour déchiffrer plus finement la circulation dans l’Atlantique, l’équipe de scientifiques a choisi de se rendre dans une section clé pour le fonctionnement de l’AMOC : Terre-Neuve, une zone spécifique où la dynamique de courants est très énergétique et se combine à un relief sous-marin complexe pour venir perturber le transport des eaux profondes et froides vers le sud et «casser» le tapis roulant.

L’objectif de la campagne CROSSROAD est de comprendre par où passent les masses d’eaux froides et denses qui plongent au niveau des hautes latitudes, et comment elles sont modifiées le long de leur trajet pour rejoindre les régions subtropicales.

Un "profileur" unique au Monde déployé pour la 1ère fois

Pour répondre aux objectifs de la campagne, l’équipe scientifique cartographiera la dynamique de l’océan sur la zone d’étude à l’aide de différents instruments de mesures et notamment d’un nouveau « mouillage » conçu en partie par l’Ifremer et déployé pour la première fois.
Ce câble vertical possède un capteur « profileur » qui monte et descend mécaniquement le long du mouillage, là où d’ordinaire les mouillages classiques possèdent des capteurs fixes. Il récoltera  pendant 2 ans des informations en continu sur l’ensemble de la colonne d’eau et mesurera notamment les variations de température et de vitesse des courants à une échelle très fine (quelques centimètres) pour mieux comprendre et quantifier le mélange des masses d’eau.
Les scientifiques mettront également à l’eau des flotteurs Deep Argo.
Ces profileurs autonomes sont capables de plonger de la surface jusqu’à 4000 mètres de profondeur. Ils se déplacent avec les courants tout en mesurant la température, l’oxygène et la salinité des masses d’eau.
Grâce à ses capteurs et à ses bouteilles de prélèvement d’eau, la rosette bathysonde –qui sera également déroulée depuis le bord jusqu’au fond- permettra d’obtenir des « empreintes » de l’océan à des endroits précis et à
différents niveaux de la colonne d’eau.
Ces mesures ponctuelles à haute résolution seront un atout considérable pour décrire le fonctionnement des branches de l’AMOC au voisinage de Terre-Neuve, mais également pour vérifier, et éventuellement corriger, les données transmises par les flotteurs Deep Argo et les mouillages de courantométrie déjà mis à l’eau l’année dernière.

Les données récoltées et les connaissances qu’elles permettront d’acquérir sur le fonctionnement des courants et de l’AMOC serviront, à plus long-terme, à améliorer les modèles de climat utilisés par le GIEC.
Damien Desbruyères

Publié le